Tribunal des Eaux de Valence
Par Marie Sonzini
Le Tribunal des Eaux de la Plaine de Valence « Tribunal de las Aguas de la Vega de Valencia » est l'une des curiosités chargée d'Histoire à ne pas manquer. Le Tribunal des Eaux de Valence a été classé Patrimoine Culturel Immatériel de l'Humanité par l'UNESCO en 2009, au même titre que le Conseil des Bons Hommes de Murcia.
Le système d'irrigation de la Huerta
« La Huerta », que l'on peut traduire par grand verger, est la plaine fertile située aux portes de Valence dont les trois caractéristiques principales sont : de petites et même très petites propriétés, beaucoup de soleil et peu d'eau.
Cette plaine est irriguée par un système complexe, véritable arborescence de canaux alimentés par les eaux du fleuve Turiaˆ, se subdivisant en canaux de plus en plus petits, puis en rigoles. Des vannes régulent le débit de l'eau et en maintiennent le niveau.
Ce système millénaire, autogéré par les agriculteurs de la Huerta, permet une juste et équitable distribution en eau pour tous, jusqu'au dernier petit lopin de terre.
Qu'est-ce que le Tribunal des Eaux ?
Autant le système d'irrigation est complexe, autant celui du tribunal est simple, raison pour laquelle cette institution millénaire a pu surmonter les aléas de l'Histoire et l'évolution de la société.
Le Tribunal de las Aguas de Valencia est unique en Europe. Il s'agit d'un tribunal civil et administratif qui se tient sur la voie publique. Il est en charge d'administrer et de régler les litiges liés à l'irrigation des terres de la Huerta.
Le tribunal est composé de 8 personnes, un représentant pour chacun des 8 systèmes hydrauliques*, provenant de la communauté d'irriguants, agriculteurs et maraîchers, de la Huerta. Ils sont élus démocratiquement, reconnus de notoriété publique, et agissent de manière totalement bénévole et désintéressée.
Le cérémonial est propre à tout procès et n'a pas changé d'un iota depuis son origine. Les juges revêtus de la traditionnelle blouse noire de l'agriculteur valencien sont assis en demi-cercle sur des sièges bas. Une grille semi-circulaire en fer forgé sépare le tribunal du public. Le président du jury ouvre la séance, et l'huissier appelle les deux parties en conflit par un solennel : « Denunciats de la séquia de Quart » (Dénoncés du canal de Quart), le premier des 8 canaux, et ainsi de suite...
Les sentences des litiges dénoncés par les plaignants sont rendues oralement sur la voie publique avec impartialité et rapidité et appliquées sur le champ sans possibilité de recours.
Origine
Le système autogéré, de tradition andalouse, d'irrigation des terres de la Huerta ainsi que celui du règlement des conflits tel qu'ils existe aujourd'hui à travers le Tribunal des Eaux, remontent à l'époque des romains puis à celle des arabes.
Le Tribunal aujourd'hui
S'il est vrai que de nos jours le tribunal des Eaux n'a plus l'occasion de régler les litiges, d'une part parce que depuis le détournement du fleuve Turia, devenu jardin au début des années 60, l'eau provient du barrage de Benageber, et d'autre part par la superficie de la Huerta de Valence qui tend se réduire comme une peau de chagrin du fait de l'urbanisation, il n'en demeure pas moins la mémoire de cette région agricole et le symbole d'un parfait système d'autogestion démocratique. Une belle leçon !
Où et quand ?
Le tribunal se tient sur la voie publique, sous l'arc gothique de la « Puerta de los Apostoles » (Porte des Apôtres) de la Cathédrale de Valence. En plein centre-ville donc. En cas d'intempéries, la séance a lieu à l'intérieur de la salle.
La séance se déroule tous les jeudis de l'année à 12.00 heures tapantes. Si le jeudi est un jour férié, elle est avancée à mercredi. Désormais faute de litiges, elle ne dure plus que quelques minutes.